Au bord de la rivière avec ma fée et Gauguin puis « Aniatziki » et poulet de Jérusalem sur un « El Grifo » de Lanzarote

Il est des urgences qui ne peuvent souffrir une plus grande attente. Cette nuit, je me suis couchée à 2h du matin. La veille, nos météorologues préférés annonçaient de la pluie pour la journée du 1er avril, un temps favorable à la sortie des poissons sur la carte hexagonale. Que nenni, il a fait gris et froid dans la matinée, un avant-goût du WE Pascal, puis l’après-midi, le soleil a poussé les nuages et leur traîne pour que perce le bleu de la lumière printanière jusqu’à réchauffer nos corps. Même si l’adage bien connu « un homme avertit en vaut deux » se vérifie souvent, hier, rien n’était prédictible et tant mieux !

Le midi, j’avais rendez-vous avec mon amie la fée pour en prendre plein les mirettes. J’avais soif de la voir et de visiter, en sa compagnie, l’exposition temporaire à Jacquemart-André de la richissime Alicia Koplowitz, l’une des plus grosses fortunes d’Espagne (cf. l’article Les Koplowitz – extrait des échos). Cette femme milliardaire a choisi d’investir, notamment, dans des oeuvres d’Art classiques ou contemporaines : des sculptures (un corps de « femme feuille » de Germaine Richier, une belle et impressionnante araignée, haute sur pattes, de Louise Bourgeois, et une femme de Giacometti…) et des peintures (trois Gréco, mais aussi un Rothko « jaune blanc bleu », une aquarelle de Schiele juste un trait, un mouvement de pinceau bleu, léger, inhabituel et surtout le merveilleux Gauguin ci-dessus « femmes au bord de la rivière » dont la lumière vive du ciel sur la gauche de la toile éclaire toutes les couleurs présentes. Cette petite toile de 32 sur 40 cm a été peinte par l’artiste lors de son 1er séjour à Tahiti en 1892. Les visages ne sont pas dessinés avec précision, mais l’atmosphère apporte un mouvement onirique duquel on ne peut se départir).

Dire que nous avons manqué de passer à côté de 3 salles sachant qu’il n’y en a que 8, et que parmi les 3 il y avait le Gauguin, et un vase et ses fleurs, de couleur vert bleuté, de Van Gogh une oeuvre datant de la dernière année de sa vie, dans le style « japonisant » à tomber.

La découverte, dans ce haut lieu du mécénat du 19ème siècle, d’une collection d’une autre mécène contemporaine, et européenne, nous a conduit à nous sustenter chez un traiteur méditerranéen « Mavrommatis » pour partager des Metzés et un retsiné. Ah, l’Europe culturelle, quelle chance que de pouvoir voir et vivre ce moment de grâce qui nourrit tous nos sens…avec l’impression d’en sortir plus intelligent et plus vif et convaincu quant à l’intérêt de notre union européenne !

Puis, avec Brigitte, nous avons marché, et sommes allées traîner nos guêtres du côté du torréfacteur « Café Verlet », rue St Honoré. Un café du Yemen, terreux, en provenance de terrasses en altitude, a rempli nos papilles de saveurs acidulées. Et toutes caféinées, nous avons déroulé nos jambes, en zig et en zag, ressentant en profondeur que le bonheur n’était pas que dans le pré.

Il était plus de 18h, l’heure poussait l’aiguille, quand nous nous sommes dit « au revoir », et à bientôt. Le soleil était haut et grisant, et comme il faisait beau, j’avais envie d’aller taquiner mes amis chez qui j’étais invitée, un peu plus tôt que les convenances nous y invitent. Ils vivent dans une maison, avec des arbres et des fleurs sur de la verdure, en banlieue sud de Paris. En ouvrant le portail, je dis de ma voix de Mezzo « désolée j’arrive un peu tôt » et Ania de me répondre « y a pas d’heure pour venir chez nous ». Tout de suite, ça fouette, ça fait du bien, et autre avantage non imaginé, ce fut l’occasion de boire un apéro avant l’apéro, en l’occurence un Longmorn de chez SV, dans la collection Cask Strength, une merveille… Et, ce fut le début d’une grande et putain de belle soirée. Parce que … Je n’écrirai pas certains échanges, comme avec ma fée le matin, quand nous avons parlé du dernier Graham Swift ou du Hubert Haddad « le peintre d’éventail » et de bien d’autres sujets.

Avec des amis de mes amis, vint le moment du dîner et le bal des parfums méditerranéens a poursuivi ses envolées. Pas d’entrée, nous avons partagé un plat à base de riz, de poulet, fort en goût grâce à une couverture d’herbes (persil, coriandre) et d’épices (cardamome…), un plat issu d’un livre de cuisine offert, à mes hôtes, la veille : « Jérusalem » co-écrit par un juif et un palestinien. Comme quoi l’alliance, la co-construction par le culturel c’est possible. Y a un truc à imaginer…

C’était un plat qui rassemble et qui donne des raisons d’être, d’être là, d’être en vie. Waouh la baffe Ania, ce n’était pas qu’un plat et de la cuisine, c’était un sacré point d’orgue qui a cristallisé le reste. Et ce plat tu l’as accompagné de ton « Aniatziki » à toi, une tuerie même si pour une fois tu ne l’as pas agrémenté de radis et autres ingrédients de ton choix ! Et puis, le vin, un vin de Lanzarote, 100% Syrah, « El Grifo », un vin que vous avez acheté à vélo, avec François, quand vous avez fait votre séjour cycliste là-bas. François, tu nous as dit que vous aviez goûté plusieurs vins, chez plusieurs vignerons, et celui-ci pesait 14,5° mais il n’était que griotte et légèreté. Vous avez dû le sentir dans les mollets surtout que les dénivelés sont sérieux de ce côté des Canaries. Vous nous avez expliqué que les ceps poussent dans les cratères, à l’horizontal, pour se protéger du vent. A cet endroit, il n’y a pas d’insectes, juste le nécessaire de vie pour donner un vin volcanique, sans tannin, une merveille pour accompagner un grand plat. C’était un moment rare de plaisirs partagés et l’occasion de vérifier notre côté enfant, amoureux des gadgets culinaires et des plats évocateurs de repas à venir.

Je suis rentrée vivifiée, et j’ai dormi 4h. Un cauchemar a eu raison de mon sommeil à 6h, je rêvais que je jouais dans une pièce de théâtre et que je ne savais plus mon texte. C’était horrible. Alors, dois-je m’inscrire à des cours de théâtre ou est-ce que je me trompe de rôle sur cette drôle de terre qui ne sait plus quelle oeuvre proposer à l’heure où certains choix nous invitent à ne pas nous tromper sur la désignation du 1er rôle de la pièce ?

Extrait du livre de Hubert Haddad : 

 » La nuque sur l’oreiller, j’étudiais la fumée de ma cigarette dans un état d’inertie proche du dédoublement. En permanence furieux, rongé par le désir autant que par le remords, je doutais de ceci et de cela, de ce qui est et de ce qui n’est pas. Deux solitudes se croisent, à l’occasion, comme autrefois, les Hommes Vagues brandissant leurs sabres sur un chemin retiré. Faire l’amour sauve au moins de l’amour ».

« Ecoute le vent qui souffle. On peut passer sa vie à l’entendre en ignorant tout des mouvements de l’air. Mon histoire fut comme le vent, à peu près aussi incompréhensible aux autres qu’à moi-même ».

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