Je suis saoule, je suis grise, je vacille tel un être persillé d’alcool, et pourtant je ne bois rien d’autre que des notes et des silences. Cette sensation d’ivresse permanente émane de mon être musical, bercée par des flots de mélodies, autant de signaux qui circulent dans les espaces de mon cerveau, jusqu’aux terminaisons nerveuses de mes mains et de mes pieds. Au cours de mes déplacements avec la RATP, je me mets en position de pointe, sans chausser mes Répetto, je tiens la barre, et m’imagine esquisser des pas de danse. Crystal Pite, la chorégraphe géniale canadienne, me chuchote, « fais un pas chassé ». Elle m’incite à intégrer des expressions du Mime Marceau, pour mieux dire ce que les mots ne peuvent véhiculer. Je fais appel au théâtre d’ombres, je convoque l’aurore, je m’invente des histoires. Et là, le clavecin de Bach démarre, les variations de Goldberg, 32 pièces autour d’un même thème. Comment parler de ce qui est, sans parler de ce qui n’est plus, comment être sans avoir été, comment vivre sans danse ni musique, et sans les Autres ? Foncez, courez, allez voir au Palais de Chaillot la chorégraphie « In the Event » de Crystal Pite incarnée par 8 danseurs extraordinaires du NDT (Nederlands Dans Theater). C’est éblouissant, vous en sortez ivre, ivre de vie, de ce qui est, de ce qui a été et de ce qui est à venir. Raconter sans les mots, le deuil, la douleur, individuelle et collective, le soutien, puis le moment de solitude, le jour d’après, le lever du soleil, la vie qui continue…
Grisée de musiques rock et baroque, je danse de tout mon soûl
