Ca s’est passé sur plusieurs nuits, il y a peu, puisque ça s’est terminé par un feu d’artifice ce matin. Des petites bêtes secouaient le sommier de mon lit dans le nid où je vis, j’erre et je m’aére. Je sentais que le sol tanguait et pourtant je lisais, tranquillement, « tristes tropiques », je me prenais pour une ethnologue sur les traces de Christophe Colomb et de Claude Lévis-Strauss. Sous leur carapace, j’entendais leur battement de cœur, leur envie de vivre, leur joie d’être là et de s’agiter tout en m’agitant. Leur but était de faire sortir mes petites bêtes intérieures, sous ma peau, au fond de mon corps. Je sentais comme un air de fête, elles se relayaient activement pour créer une houle, une tempête artificielle. Ainsi, me murmuraient-elles, ce sera le calme après la tempête. Une inversion des valeurs leur dis-je. Elles dandinaient du bulbe et leurs pattes tremblaient en ce moment féerique. Elles me racontaient que pour elles la sérénité n’était possible qu’à certaines heures de la nuit et que c’était sous la carapace que ça se passait. Il nous faut donc coudre des fermetures éclairs sur ton enveloppe corporelle, ajoutèrent-elles. Elles m’ont opéré, c’était indolore, de véritables brodeuses de maisons de haute couture. Elles pensaient ainsi, me donner accès à la sagesse.
Un coup de zip, et zip boum, me voilà sur un nuage, portée par les petites bêtes, le cœur en bandoulière… au milieu d’une mer d’huile. Il fait jour, j’écoute le silence et les petits bêtes remballer leur campement. Elles me sourient et me soulèvent haut le cœur. J’ai su lire dans leurs moustaches qu’elles avaient d’autres greffes de sérénité à opérer. Nos mouchoirs s’agitent, il n’est pas de bonne compagnie qui ne se quitte et sur leurs petites dents blanches, se réfléchissent toutes les couleurs de l’arc en ciel.