Inlassablement, la pluie prend ses quartiers en cette fin d’hiver qui s’éternise, et tire ses rideaux, des cordes d’eau franchissables entre le ciel et la terre, mais à travers lesquels la vue se brouille, sans étincelles. Pour dégager les nuages de la drache, je prends mes pinceaux, et j’écarte le gris, tout en en gardant un peu car il fait partie du décor. J’y rajoute du bleu, parce que c’est plus lumineux, et du jaune, sa couleur complémentaire. Enfin, parce que je m’empresse toujours d’en mettre un peu, voire beaucoup, j’applique du rouge, un rouge sanguin, celui de la vie, du cœur qui bat, même quand le ciel se satisfait de la non couleur. Je gribouille l’arc-en-ciel sans que ça y ressemble, j’y mets du vert gazon, ça me rend fripounet et légère. Ce dessin est un voyage dans l’abstrait de ma substance vitale, c’est comme si j’avalais un autre air. Cet air, j’aimerais savoir le peindre, un air qui donne envie de prendre l’air sans pouvoir le prendre tout à fait, un air de pas y toucher que j’arriverais à capter d’un coup de pinceau. Voici ce que mon extracteur d’air a croqué en attendant d’y parvenir en vérité. En raccourci, ça ressemble à un bout de truc animal et végétal en même temps, imaginez un souffle d’air dans les cheveux, au printemps. Un tourbillon qui vous laisse sur place, surpris, heureux, heureux d’être là.
Il pleut et mes dessins ne manquent pas d’air

Je hais le vert.
Le vert est la couleur des choses jeunes
–Prairies, espoirs, —
Le vert est le préavis de la vieillesse,
Parce que toute la jeunessse est le préavis de la vieillesse
Pessoa
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