La Suisse comprend 22 cantons, et se compose de plus de 8 millions d’habitants et de milliards de richesses, au-delà de celles dont nous avons coutume de parler…
Avec B., nous avons atterri à Zurich, samedi, sous le ciel bleu, dans la plus grosse ville du pays, soit un peu plus de 400 mille habitants. Là-bas, les échanges avec nos congénères se tiennent uniquement en Suisse allemand ou en Anglais. À moins que vous n’alliez boire un verre dans une bodega tenue par des Suisses d’origine espagnole ou dans une trattoria qui sert plus que des plats italiens, je pense au charme de la voix chantante et nostalgique de la Botte. Dans ce haut lieu de l’économie financière, l’art de vivre semble être une règle commune, le we, les jeunes se retrouvent dans la vieille ville d’eau, soit près de la rivière de la Limmat, soit sur les rives du lac de Zurich. Les bières coulent à flot.
À une trentaine de kilomètres, se situe la sixième ville de Suisse, Winterthur. Ce fut l’occasion d’une immersion dans le domaine de l’histoire de la peinture et de ses collectionneurs du début du vingtième siècle. Si la Villa Flora qui a appartenu aux Hahnloser (Arthur, un ophtalmologiste à l’œil exercé en Art) est actuellement fermée pour travaux, pour plusieurs années, le kunstmuseum et la maison d’Oskar Reinhart, autre amateur d’art de la ville (négociant dans le coton au début du vingtième), nous ont offert un spectacle inattendu. Plus de six cents œuvres acquises par Oskar portent sur la Renaissance (de Bassano à Brueghel) en passant par les Nabis, Vuillard Bonnard, et Van Gogh l’inclassable ou l’orientalisme de Delacroix voire les paysages de campagne de Courbet et de la Ste Victoire de Cezanne … Et aussi des Morandi acquis grâce à l’argent de la fondation. Mais encore des sculptures de Robin, Maillol, Calder…
Le lendemain, à Lucerne, toujours une ville d’eau et de festival de musique classique, nous y avons découvert une autre collection privée de revendeurs de tableaux, celle de Siefried et d’Angela Rosengart. Cette fois, plus de 180 toiles de Picasso datant des années 50-60, souvenirs d’une amitié exceptionnelle avec l’artiste et pas moins de 125 œuvres de Paul Klee sans oublier des Vuillard Bonnard Cezanne…
Enfin, aujourd’hui nous avons visité le kunstmuseum de Berne et son exposition consacrée à certaines toiles des Hahnloser, de l’époque des Fauves (des Manguin qu’ils ont hébergés pendant la première guerre mondiale, des Matisse) ainsi que des Vuillard des Bonnard des Vallotton des Van Gogh…des Monet et un Manette (l’Amazone) notamment. Et nous avons aussi découvert le centre Paul Klee construit par Renzo Piano, ouvert au public en 2005, sis à côté de Berne en pleine nature. L’architecture ressemble à trois hangars immenses, ancrés dans la terre et surplombant la vallée tels de longs lombrics n’ayant conservé que leur squelette. C’est un lieu de création, d’expression comme le 21ème siècle sait en imaginer et mettre en œuvre. L’exposition au Zentrum portait sur les années de la Grande guerre de cet artiste amoureux de la couleur depuis son séjour en Tunisie en 1914. L’artiste y a perdu certains de ses compagnons de l’école du « cavalier bleu », pendant cette période difficile de l’histoire, dont Franz Marc. La fondation comprend plus de 4000 œuvres de l’artiste. La claque fut grande.
L’hôtel Landhaus sis dans la ville de Berne et ses nombreuses rues couvertes par des arcades furent un des beaux moments que je retiendrai du volet urbain de l’escapade.
Plus loin dans le Valais, tout près du massif du Mont-blanc, au-delà de Montreux, la langue parlée cette fois c’est le français. L’exposition qui se déroule actuellement à la fondation Gianadda à Martigny est dédiée aux illustrations d’Henri de Toulouse Lautrec consacrées à Aristide Briand, et à l’univers des cabarets, à la Goulue, à Yvette Guilbert pour ne citer que les plus célèbres.
Les repas et les vins méritent le détour. Les vignes dans le Valais s’inscrivent à la verticale, à flanc de coteaux, plus raides qu’en vallée du Rhône du côté de Condrieu ou d’Ampuis. Le Fendant est le cépage blanc et sec le plus répandu, c’est tout simplement du chasselas. Et le pinot noir côté rouge apparaît au palais comme assez léger.
Je repars avec Cendrillon à bord de sa Maserati rose et je veux bien prendre un Chardin ou un Morandi sous le bras car rien n’est plus vivant qu’une nature morte.