A la Fondation de l’Hermitage, à Lausanne, se tient actuellement une exposition sur les Pastels : de la Renaissance Italienne (Jacopo Bassano…) à aujourd’hui (Nicolas Party). La découverte du lieu et des œuvres furent un moment délicieux. Un des films projetés montrait comment la maison Roché, qui existe depuis plus de trois siècles, historiquement située au 20 rue Rambuteau à Paris, fabrique encore les pastels de manière artisanale, à partir de pigments issus de végétaux, de minéraux ou d’ocres, les mélange à de la craie, de l’eau et du liant. Les bâtonnets sèchent pendant trois semaines l’été et, l’hiver, un peu de souffle d’air chaud est nécessaire. Aujourd’hui, chez Roché, ils proposent 1266 nuances soit 9 par couleurs. Il n’est pas aisé de retrouver toujours les mêmes tons à travers les siècles car certains minéraux sont qualifiés de toxiques ou des plantes disparaissent. Cette gamme de tons est nécessaire car il n’est pas possible de mélanger les couleurs des pastels, comme pour l’huile, l’aquarelle ou l’acrylique. Une fois le pastel déposé sur un papier, il retourne à l’état de poudre. Certains peintres utilisent du fixatif voire de l’eau, d’autres non. Et pour mâtifier l’oeuvre, il est recommandé d’utiliser une estompe en peau de châmois.
Pour réaliser ses pastels, souvent dans le cadre d’étapes préparatoires à la confection de ses toiles, Degas utilisait des pinceaux, des papiers velin mais aussi des calques. Il commençait par dessiner avec le fusain puis il appliquait une couche de pastels dessus, pour affiner le mouvement, grâce au jeu d’ombre et de lumière, mais les visages étaient alors moins précis. Parfois, il ne cadrait pas ses danseuses comme il aurait fallu. Pour disposer pleinement de la scène qu’il souhaitait obtenir, il rajoutait des calques, qu’il faisait coller et monter par son relieur, rue Fontaine. Cette analyse de Degas résulte d’un reportage effectué par un restaurateur qui a utilisé différents moyens (lumière rasante, photo avec UV…) pour comprendre comment le pastel était utilisé à l’époque.
Quant à Manet, ne pouvant peindre en position debout trop longtemps, car cela le fatiguait, il s’est tardivement mis aux pastels qu’il appliquait sur la toile des tableaux, surface rarement prisée à l’époque et depuis. Ses portraits sont extraordinaires de par leur expression qui n’est pas précise mais présente, notamment Irma Brunner. Dans un style plus photographique, les portraits de notables exécutés par des peintres du 18ème tels que Quentin La Tour, Liotard ou Lorenzo Tiepolo sont des témoignages remarquables d’intensité. Le regard est vif, l’âme palpable. Et que dire des paysages ou des natures mortes des impressionnistes ou des Nabis (Vuillard en particulier), ce sont des invitations à sortir de la peinture, à aller dans la nature, à voguer sur l’eau (avec Albert Marquet ou Eugène Boudin par exemple). Et bien sûr, Paul Klee et son harmonie de cubes non cubiques, ni rectilignes, il permet…d’aller au-delà du cadre et de l’académie comme Picasso dans un de ses portraits de Jacqueline, à la fin de sa vie.