Je me souviens d’aujourd’hui, de l’heure qui passe et de chaque seconde que je retiens. En plein vol, je plane car rien ne dure puisque tout s’en va vers le rien. Je marche immobile sur mon canapé, transportée par les images d’Ozu dans « le Crépuscule de Tokyo » en 1957. Je franchis le seuil d’un bar à anguille, m’agite et suis les personnages qui boivent du saké chaud, dégustent des mets simples (huître au vinaigre, concombre salé…) et parlent avec nostalgie de leurs bouts de vie, parsemée de points communs. Ce voyage à travers le temps et l’espace me rappelle que l’instant présent file (trop vite), renforcé par les plans du cinéaste qui filme à hauteur de visages, ses acteurs, tout en retenue, aux frontières du dit et du non-dit, en proie à l’ivresse au milieu des vapeurs d’alcool. Et, alors que mon regard se perd derrière la fenêtre, côté cour, je vois le ciel, voûte de l’éternité du monde, absolument présent, protagoniste d’une pièce de théâtre plus grande encore qui m’échappe et me fascine.
Je me souviens…the eel (Ozu)
