Pour vivre tranquille, j’avance masquée, en apparence sage, sans vice. Je joue à cache cache avec les normes sociales, les représentations, les catégories qui classent et qui regroupent, qui opposent et qui annihilent. Je suis « une bourgeoise », un cadre qui cadre avec le moule, tatouée d’un matricule, le kif pour tout individu normalement constitué.
Pour me fondre dans la masse, quand je rencontre le monde réel (plutôt fictif à mes yeux), je mets de la crème, de la poudre aux yeux, du stick pour contrer les « dick ». C’est un jeu d’adulte, du théâtre bas de gamme, trop sérieux pour être digne de curiosité. Je ne renie pas ce besoin d’être de la partie, je me sens seulement décalée. Aussi, j’avoue que cette incursion satisfait mes besoins matériels, et qu’elle ne dit rien de la face cachée de mon existence.
Barbatruc barbapapa.
Mon vrai visage, les rides qui le creusent et les fêlures que j’ai partiellement recousues, je ne les sors qu’à la nuit, en fin de semaine ou lorsqu’Antigone vient me tirer l’oreille creuse et les vers du nez. Mes yeux de poupée, ma structure d’invertébrée, mes ailes de marchand de sable, mes pieds plats, mon cœur fou, mon cerveau or et ange, ne s’expriment que par intermittence, il suffit que je regarde le ciel ou l’océan.
Sans mon masque, je respire en profondeur, j’aère les pores de ma peau, mes cellules se replacent, mon sourire se relâche, et je crois rêver tellement je suis. Je vois et je ressens des connexions entre ce qui m’entoure et mes détours intérieurs. C’est comme un seul et infini escalier qui viendrait d’avant mon arrivee sur terre et qui irait jusqu’à d’autres demains, et d’autres planètes.
Quand je suis nue, moi, l’Amour de la Vie me submerge, j’ai l’impression de voler, j’embrasse et me laisse envahir par le monde des vivants, des petites bêtes jusqu’aux bipèdes. Ma curiosité me conduit à m’émerveiller et je me sens guidée, habitée par la Beauté.
Installée dans un fauteuil de mon nid ou en traversant une rue, aussi, parfois, la mélancolie m’étourdit. J’entends les murmures de voix intimes, cristallisées par la confiance d’une confidence qui scelle nos solitudes. Je me surprends à ouvrir des portes secrètes, muette et en miette, comme la dernière femme de Barbe Bleue, et ainsi à ne pas être en mesure de dire au revoir aux gens que j’aime, ma gorge se noue (pour mes parents et mes amis en particulier). Je goûte, les yeux en l’air, happée par les souvenirs, les odeurs et les saveurs de dîners passés, scotchés à mes paupières, par un parfum arrosé de nectars fleuris.
A 23h, le 6/1/17, je suis là, avec mes vices et ma vertu, dans l’instant, comme un bout de puzzle qui résulte de plein de bouts de vous, de nous, et ce truc là, c’est Antigone. Il devient de plus en plus ferme, dense, il danse de lui-même, il se nourrit aussi de vies lues dans les livres, moins fictives que le réel des représentations sociales.
La liberté d’Antigone, c’est un ouvrage, un tissage que je défais en rêve, comme Pénélope, et qui enfle, un peu plus, à mesure que je me (dé)ride, au pays des masques et des bergamasques.
J’aime ça :
J’aime chargement…