Osons Ozu

Ozu Yasujirõ est né et mort le même jour, le 12 décembre, à 60 ans d’intervalle. La chaîne franco-allemande Arte lui rend hommage, à l’occasion des 60 ans de sa disparition, à travers 10 films (sur 54), offerts en Replay, jusqu’au printemps 2024.

Si je devais n’en visualiser qu’un seul,… ce serait forcément un de ceux qu’il a tournés avec Setsuko Hara, qui, à la mort du cinéaste, s’est retirée du milieu du cinéma et du monde, à Kamakura, à l’ouest de Tokyo, là où résidait Ozu, et où leurs cendres reposent. Ozu n’a jamais rien écrit sur leur relation intime, le mystère reste entier. Parmi les six films qu’elle a tournés pour lui, je choisirais l’un des 3 premiers : printemps précoce, été tardif, voyage à Tokyo, crépuscule à Tokyo, fin d’automne et dernier caprice.

Ses films d’après-guerre se passent essentiellement à Kamakura (station balnéaire) et à Tokyo. Les protagonistes femmes et hommes habitent à Kamakura, cité paisible (représentée par la gare, le temple et les maisons traditionnelles) et se rendent à leur travail par le train (lignes droites : rails, buildings de bureaux, ruelles des lieux de sorties nocturnes…). Ils rentrent parfois tard (s’évadant dans les bars et restaurants de Ginza, quartier le plus occidental à l’époque et encore aujourd’hui), les yeux humides, la démarche incertaine.

Les plans sont fabuleux, la caméra avance au ras du sol, et cadre les acteurs attablés, assis à même les coussins sur les tatamis. Elle s’attarde sur un regard puis l’autre et s’écarte pour mieux décrire un pan de mur, une ligne de fuite.

Le poids de la tradition en pleine déliquescence y est décrit avec finesse : une société phallocrate, la montée du féminisme pour les épouses, le refus des mariages arrangés pour les filles, la désagrégation du noyau familial, la nostalgie de l’impérialisme japonais, autant de thèmes qui parlent tout en nuances d’une civilisation millénaire troublée corps et âme par l’Occident….

Alors pour survivre et s’évader, il reste les bars, et les petites pièces privées des restaurants Tokyoïtes, le temps de retrouver de vieux camarades d’école, de guerre ou des collègues. La nostalgie affleure, et le whisky et le saké coulent à flot.

La vie, l’amour, l’amitié et la mort se croisent dans ses films, au travers des relations humaines qu’il peint et décrit comme personne. La photo est magnifique, j’ai une préférence pour le Noir et Blanc, les paroles sont rares et universelles.

Setsuko Hara et Chishu Ryu (Voyage à Tokyo)
Ozu

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