Le ciné c’est ma 2ème maison depuis longtemps. Dans mon village, un bureau de tabac vendait des friandises et des magazines, et je devais avoir 15 – 16 ans, quand je me suis achetée mon 1er « Première », un mensuel sur le cinéma. Avec mon ami d’enfance, nous avions organisé une usine à reproduire les VHS en reliant nos lecteurs et le sien était équipé d’un graveur. Nous étions frénétiques, nos parents nous laissaient faire, ils en profitaient aussi. Nous organisions des séances cinéma dans nos 2 maisons. C’était une forme de paradis, l’été, pendant les grande vacances en particulier.
Nous avions une passion pour les films d’aventure, les Indiana Jones, la Forêt d’Émeraude de John Boorman mais aussi pour les films intello underground Alain Resnais, l’Amour A Mort, Mélo…Je complétais mon apprentissage par le cinéma de minuit le dimanche soir, sur FR3, passionnée par les récits de Patrick Brion avec sa voix si caractéristique. Quelle joie que de découvrir le Port de l’Angoisse (to have or to have not) d’Howard Hawks, le 1er film qui réunissait sur les écrans Lauren Bacall et Humphrey Bogart. Je repense souvent à cette réplique légendaire « If you need anything just whistle… »
Cannes me rendait hystérique, j’achetais aussi Studio, Positif et les Cahiers du Cinéma. Depuis, je regarde et je lis avec plus de distance. Pourtant cette année, j’ai l’impression de revivre cette époque. Dans mon cinéma de quartier, ils proposent 18 avant-premières en une semaine et c’est jouissif.
Dans les salles, je n’ai pas vu un siège de libre, les spectateurs sont majoritairement très jeunes, de l’âge de Netflix, certains viennent avec un casque sur la tête quand des couples âgés, fébriles, avancent dans la file d’attente.
J’ai vu deux merveilles et ce n’est pas fini. Cela me renforce dans l’idée que le cinéma n’est pas mort loin de là ! J’ai vu « Caught by the Tides » de Jia Zhangke qui a réalisé les Éternels, autre chef d’œuvre. Ses films parlent de la Chine en mutation, pas de celle qui s’éveille d’Alain Peyrefitte, non, celle de destins broyés par un système pseudo communiste, qui rase les villes, construit des enclaves en béton, et utilise les bipèdes comme de la chair à canon dans ses usines. La solitude y est magnifiquement filmée sur des airs populaires. Là-bas, les bals ont résisté au temps, certains dansent à deux, d’autres seuls ou pas. La photo est magnifique. Ce film est un mixte entre un documentaire et une fiction qui s’étale sur 25 ans. Beaucoup de Chinois dans la salle, et à la fin du film, le silence prenait le relais de cet immense film.
De même « Bird » de l’Anglais Andrea Arnold fut un très beau moment. Il filme la banlieue anglaise, les jeunes parents de 14 ans, la violence, l’impossible amour, l’espoir l’envie la jeunesse la fougue. Les acteurs sont fabuleux, la caméra à l’épaule remue pas mal comme le film. J’adore le cinéma anglais indépendant. Au-delà de la bande son énorme, les Anglais savent parler avec légèreté de l’essentiel sans plomber l’atmosphère.
Courez au cinéma, le temps s’y prête !

