C’est « une joke », déplacée, bien caustique, oui et non, parce que, ce soir, au théâtre de l’Athénée, à Paris, dans le 9ème arrondissement, chantait un grand (au sens propre et au figuré) ténor anglais, nommé Ian Bostridge. Il a étudié l’histoire et la philosophie à Oxford et écrit une thèse sur la sorcellerie, personne n’est parfait (private joke).
Il a commencé à chanter il y a 30 ans, âgé de 30 ans, ce qui est tard dans le milieu. Quoique Kathleen Ferrier géniale et fabuleuse chanteuse alto, tout aussi anglaise, a commencé au même âge, sauf qu’elle est partie trop tôt et qu’elle est devenue une légende (*).
Quel était le répertoire de ce soir ? Schumann « Liederkreis » en 1ère partie puis « Dichterliebe » après l’entracte. Bostridge interprète et adore les lieder de la période romantique allemande, il a écrit un essai sur le sujet et il est aussi très reconnu pour ses rôles dans les opéras de Benjamin Britten.
J’adore Schumann, j’aime ces 2 cycles de mélodies composés en 1840, le second sur des poèmes sublimes de Heinrich Heine est une découverte qui me ramène à 1995 et qui continue de m’accompagner. J’ai une prédilection pour la version de Fritz Wunderlich chez DG, lui aussi, parti très jeune.
Bostridge, au théâtre, ce soir, était accompagné par Piotr Anderszewski, un pianiste à la carrière internationale, qui joue peu, et qui est assez incroyable, j’ajouterais, grand aussi, par le génie musical. Il a aussi interprété les bagatelles de Bartok, avant l’entracte. C’était du jazz en barre, il fredonnait autour de ces 14 variations, il jubilait assis sur ses 3 chaises emboitées les unes dans les autres et j’étais aux anges.
Le rideau ressemblait à une toile de Paul Klee composée de rectangles qui auraient flashé sur une œuvre de Klimt, dorée à la feuille d’or, telle que le baiser. La porte pour accéder à la scène obligeait nos 2 géants à se courber, comme pour s’excuser d’être là…
Oui, l’Europe de la culture occupait la scène et avait investi aussi la salle, l’anglais côtoyait l’allemand, le polonais, c’était cosmopolite et jouissif pour un lundi sans pluie !
PS : « Je célèbre la voix mêlée de couleur grise / Qui hésite aux lointains du chant qui s’est perdu / Comme si au-delà de toute forme pure / Tremblât un autre chant et le seul absolu » (Y. Bonnefoy, À la voix de Kathleen Ferrier, in Hier régnant désert, 1958).




