Hier, la dernière représentation de deux oeuvres du chorégraphe Prejlocaj se jouait sur la scène du théâtre du Châtelet. La première, intitulée « Helikopter », et datée de 2001, se fonde sur le quatuor éponyme de Stochhausen qui intègre le bruit du moteur et des palmes de l’engin volant aux sonorités des 4 instruments à cordes. Le compositeur était en recherche perpétuelle du langage musical et de la grammaire sonore. Il mélangeait l’électronique à l’acoustique et le mystère des étoiles le fascinait. 3 femmes 3 hommes dansent par deux ou en solo, sur un rythme très dynamique, mûs par des mouvements physiques. Au sol, des lignes, des ronds, lumineux, qui bougent avec leurs pas et le bruit des palmes pendant que la scène reste dans le noir. C’est prenant, tourbillonnant, la spatialité des mouvements et du son se rencontrent, Prejlocaj a osé, il y a quasi 25 ans, interpréter une partition inouïe. C’est hors du temps. J’ai ressenti l’empreinte de Merce Cunningham, un de ses maîtres.
Puis, intermède, une interview filmée dans un documentaire de 2007 par Olivier Assayas entre Prejlocaj et Stockhausen. Ce dernier parle de ses 2 ordinateurs, des 8 pistes, de la superposition des sons et de leur intégration. Il dit aussi, comment fait-on pour voir les 6 danseurs ou 3 couples en même temps ? Et, Prejlocaj de lui répondre, et vous comment faites-vous pour décomposer les notes et arriver à ce que cela fasse un tout ? Et si les notes ne fonctionnent pas ? Stockhausen dit tout naturellement, alors je les enlève et je les remplace.
Et, puis vient la dernière œuvre du chorégraphe en création mondiale, « Licht », une merveille de douceur, de lenteur, toujours avec la même technique mais élargie à 12 danseurs, qui s’assemblent, se séparent, courent sur le dos des uns, puis sont lancés en l’air, se cisaillent, s’embrassent, irradient sur une musique de Laurent Garnier, fils héritier de Stockhausen selon Prejlocaj. En référence à ses 7 opéras « licht », la voix du compositeur allemand s’insinue devant la musique du DJ français et conclut « j’irai bien au paradis, et je voudrai que ça dure, que ça dure ». Dans cette œuvre de 2025, Prejlocaj questionne et trouve des formes d’harmonie, d’amour, et de lumière, au-delà de la noirceur de notre histoire contemporaine.



