Au pays des drifters, Avedon

Deux jours de suite, l’appel de la photographie avec un P majuscule m’a fait de l’œil. A la Fondation Henri-Cartier Bresson, sont exposés, pour la 1ère fois en Europe, dans leur intégralité, les 110 portraits de travailleuses et travailleurs sans oublier les drifters et les malades de l’ouest américain, captés par Richard Avedon, connu pour ses photos de mode et portraits de célébrités, plus que pour ses reportages sur le mouvement de lutte pour les droits civiques ou contre la guerre du Vietnam.

Il a sillonné de 1979 à 1984 les printemps et étés, les routes de l’Idaho, du Texas, de la Californie…soit 17 états et donné 100 dollars à ces serveuses, vachers, bouchers, mineurs, travailleurs dans l’industrie pétrolière ou encore à des malades, voire à des drifters sans travail…pour une séance de photographie.

Il était accompagné d’assistants, et trimballait une chambre photographique de 20 x 25, il voulait de la lumière naturelle et un fond blanc. Les pauses sont simples, les cadrages extra et les développements fabuleux 40 x 50 cm, les noirs et les blancs ne sont que nuances et profondeurs.

En point d’orgue, l’apiculteur, le seul qui a répondu à une annonce, et qui a signé une décharge, pour éviter toute plainte ou procès du fait qu’il allait poser torse nu couvert de phéromone de reine. Cette mise en scène a permis d’attirer une centaine d’abeilles sur son corps, il ne fut piqué « que deux fois » le temps de 121 photos sur deux jours. Le portrait retenu le montre relativement zen, l’autre avec lequel Avedon a hésité est exposé sous une vitrine, il y montre une bouche plus pincée, un regard plus craintif et ressemble davantage à un martyr chrétien qu’à un moine bouddhiste…

L’exposition a lieu en 1985 et l’album photo édité par Abrams est tout aussi légendaire. Je le vendais chez Gibert Jeune, il y a 33 ans. Sa couverture portait une couleur marron grainelée tandis que le titre et le nom du photographe étaient incrustés en orange. Aujourd’hui, l’édition sur fond blanc semble annoncer les portraits qui figurent à l’intérieur. L’ouvrage est toujours aussi remarquable en terme de réalisation.

A noter qu’un autre livre, sorte de making of, fruit du travail de son assistante Laura Wilson est digne d’intérêt. Cf extraits à la toute fin de cet article.

Il prenait des portraits en Polaroïd pour commencer
Il a reçu des courriers de remerciements de certains d’entre eux
L’apiculteur Ronald Fischer
Derrière des vitrines, les précisions du photographe pour les développements avec les niveaux d’exposition à la lumière

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