La finance et son véhicule élémentaire, l’argent, concentre de plus en plus l’attention des bipèdes, quelles que soient leurs origines (sociales, économiques, géographiques, politiques…). Ainsi est-il devenu une valeur cardinale, une fin plus qu’un moyen, autorisant toute négation, ou renversant dans l’histoire humaine, la supériorité de l’amour, comme valeur et sentiment, qu’il soit le résultat d’une réflexion, ou qu’il vienne à soi sans raison, noyau ou fruit d’un acte volontaire, raisonné ou passionné.
“Le Baiser” de Constantin Brancusi, posé sur la tombe de Tania Rachevskaïa, au cimetière du Montparnasse à Paris, est à l’origine d’une affaire judiciaire qui a duré 20 ans, et dont la source remonte à un don d’un médecin roumain, pour sa bien-aimée, qui s’était suicidée par désespoir de le voir s’éloigner, il y a 115 ans de celà. Celui-ci était proche de Brancusi, et avait acquis une des quarantaines versions du baiser pour quelques centaines de francs. Devant l’envolée des ventes aux enchères des oeuvres du sculpteur, la famille russe de la défunte a commencé à faire valoir ses droits. Après maintes plaidoieries, le dernier verdict, celui du conseil d’Etat, en juillet 2021, a donné raison au ministère de la culture arguant du fait que cette scultpure avait eté construite pour témoigner de l’amour de son donateur pour la disparue, et qu’elle ne devait faire qu’un avec la sépulture et y rester scellée.
Entre temps, les descendants l’ont enfermée dans une boîte en bois ventilé, comme si ce baiser, ultime preuve éternelle d’un amour fou qui avait abouti à une tragédie, devenait leur chose, leur propriété et que son existence pouvait se réduire à sa valeur « bankable »…



