Revenir pour mieux repartir

Nicolas Bouvier, immense écrivain voyageur suisse, auteur notamment de l’usage du monde et du poisson-scorpion, disait qu’il y avait deux types de voyageurs, ceux qui partent pour se trouver et les autres qui partent pour se perdre.

Ce soir a sonné l’heure de retrouver le chemin de ma maison, cette coquille, qui va et vient sur mon dos, se déplace ou pas avec moi, et peut agir comme un fardeau. Car, il peut m’être difficile de larguer les amarres, surtout dans les premiers jours et puis, aussi, à d’autres moments, je baisse pavillon, je me recroqueville, un manque de jus, je ne veux ou ne peux plus. Pour me rendre disponible, en prendre plein les yeux et les cheveux jusqu’aux orteils, m’éveiller au monde, et surtout à l’Autre…cela me demande de l’énergie de sortir de moi, de cette zone de confort, de ma coquille. Et même si je travaille dans le secteur de l’électricité, je ne suis pas branchée en permanence sur batteries, bien au contraire. Moi aussi, je roule en mode hybride ! Pour me recharger, j’ai besoin d’avancer. Sauf que la plupart du temps, j’y vais, sans savoir où, mais je sais qu’il faut que j’y aille, c’est irrépressible. Ce qui me motive, c’est d’apprendre, de voir, d’écouter, de découvrir, de m’émerveiller comme un enfant devant la mer, lorsqu’il la découvre la 1ère fois, tour à tour happée et inquiète. Cette envie d’ailleurs et de fraîcheur, d’aller voir ce qui se passe derrière les frontières me porte et me transporte, je la trimbale en bandoulière. Elle est sage ou pas sage, j’ai conscience que je suis de passage, et que rien ne dure jamais. C’est pour ça que je bouge, avec une forme d’insouciance, sans a priori, je pars, vers cet inconnu, le monde, si proche et si loin à la fois, avec ses multiples chemins, qui se ressemblent au 1er abord et qui s’écartent ou pas du déjà vu, tout dépend des choix que je fais. Alors, j’y retourne, inlassablement, comme l’artisan sur son ouvrage, un éclair de lumière dans les yeux. Et ça me nourrit, ce mouvement, ça me fait un bien fou. Je sens que tout bouge là-dedans, je vibre, je frissonne, je défrise, je jubile, je dors comme un bébé ou je n’y arrive pas du tout car ça gamberge trop là-haut. En résumé, je me sens vivante, entre l’être et le vrai. Rien de grave au fond, car l’envie est loin d’être tarie et que j’ai encore les pieds ailés ! Sauf que l’horloge tourne et que la carte du territoire est relativement étendue, en conséquence l’équation se tend sévèrement d’autant que la planète se réchauffe à une vitesse grand V et que je ne veux pas rajouter mon empreinte carbone dans des zones envahies par le surtourisme.

La nuit dernière, au terme de ce voyage européen qui est parti de l’océan, à l’ouest, chez mon Capitaine et ma 2ème maman, pour mieux me ressourcer, avant de descendre vers le sud puis d’étendre la route vers l’est, je ne savais plus si je rêvais ou si j’étais éveillée. J’étais ailleurs, dans un état second, sur une autre planète dont je ne connaissais pas les codes. Qu’est-ce qui s’est passé ? Je n’ai pris aucun risque, tout était simple, pas de situation extrême climatique (quoique), l’eau coulait à foison (encore). Alors, what’s up ?

Rien de visible en apparence, le mystère du voyage, cet indicible et inénarrable compagnon qu’est l’inattendu, la perte de repères, le masque qui tombe, la rencontre d’un lieu où tout converge, nature, humanité et culture. Qui Vitra verra assurément !

Au-dessus du porte bagages des TGV Inoui sur le chemin du retour

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Ah je comprends et partage tellement tes ressentis !🙏

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  2. Avatar de Cécile G Cécile G dit :

    Être ailleurs et être dans un état second permet à ton mental de faire une pause et de laisser aller ta mélancolie, d’évacuer ta souffrance en attendant un retour vers la sérénité. Ne lutte pas contre laisse aller. 😘

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