Aimer l’Art (et inversement)

« De la musique avant toute chose, et pour cela préfère l’impair, plus vague et plus soluble dans l’air, sans rien en lui qui pèse ou qui pose… » 1ère strophe de l’Art poétique de Verlaine.

Depuis samedi soir, je voulais vous parler de Martha Argerich, 82 ans, argentine au tempérament de feu, pianiste de génie qui, devant un piano, malaxe le clavier comme le boulanger sa pâte (c’est une de ses métaphores). Elle n’est pas une artiste cérébrale mais instinctive, une artisan, et lorsqu’elle est là, tout s’arrête, même les mouches et les moustiques se mettent en pause. Pourtant, avant de monter sur scène, elle vacille, elle est de ces artistes dont le trac rend la vie infernale. Et, une fois assise, elle indique au chef qu’il peut y aller et sa tête commence à dodeliner, elle s’immerge dans les flots de notes de la partition qu’elle chérit de ce compositeur allemand génial, le 1er concerto de Beethoven. Elle est chez elle, place à son solo, ses petits doigts courent à une vitesse folle, elle produit un son qui n’appartient qu’à elle. Suit le mouvement lent, qui n’a jamais été autant suspendu, nous étions médusées avec ma voisine, 1er prix de conservatoire supérieur de musique de Paris. Et dans le 3eme et dernier mouvement, elle repart avec une cadence infernale, comme à Varsovie, en 1964, lorsqu’elle a gagné le concours Chopin, en tant que 1ère femme soliste de l’histoire, à moins de 24 ans.

Pour le bis, elle a joué avec le chef et un de ses jeunes protégés, Romance de Rachmaninov, à 6 mains. Assise au milieu de ses acolytes, collés les uns aux autres, ils n’étaient qu’un son, une oeuvre, un moment hors du temps, de joie pure.

A noter que le jeune ensemble, le Peace Orchestra Project, est italien et a vocation à favoriser l’intégration sociale de jeunes d’une vingtaine de pays du monde.

Le concert avait lieu à la Philharmonie de Paris. Rappelons que « philein » en grec ça veut dire aimer. Aimer l’harmonie pas sûr que ce soit compatible et réversible avec l’art d’aimer ! Elle a eu 3 maris, 1 fille avec chacun. Elle ne sait pas où elle habite mais la musique et le piano c’est sa vie. La voir, l’écouter c’est une ressource inestimable pour les amateurs. Pour boucler la boucle, « amare » signifie aimer en latin.

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Ça a dû être génial…

    J’aime

  2. Oui et ce soir elle revient avec Kovacevich, son 2ème mari et d’autres musiciens. J’y serai…

    J’aime

Répondre à antigonegone.com Annuler la réponse.